Et si de la simple terre pouvait participer à la construction des bâtiments valaisans? L’entreprise contheysanne Evéquoz SA y croit. En partenariat avec la start-up genevoise Terrabloc, elle se lance dans la fabrication artisanale et écologique de briques en terre crue de la région. «Nous savons que cela touchera un marché de niche, mais l’expertise de Terrabloc nous a incités à tenter l’aventure», relate Laurence Gaillard-Quennoz, directrice d’Evéquoz SA.
Produit du terroir
Destinées avant tout à des murs intérieurs et plutôt non porteurs, les briques en terre crue ont démontré leur résistance et leur efficacité dans des constructions ailleurs en Suisse romande. «Avec la terre, nous pouvons jouer sur la modularité des murs qui peuvent tout à fait varier en épaisseur», indique Rodrigo Fernandez, ingénieur et cofondateur de Terrabloc.
Très concrètement, la terre utilisée proviendra des chantiers de la région. «C’est une revalorisation très intéressante, d’autant plus que plus personne ne sait quoi faire de cette terre. Son évacuation est devenue problématique et chère», rappelle Laurence Gaillard-Quennoz. Ne pas faire voyager la terre est un principe essentiel de ce partenariat valaisanno- genevois. «Ça perdrait tout son sens écologique si nous devions importer de la matière d’ailleurs», souligne l’ingénieur genevois.
«Réveiller les consciences»
Ce n’est pas un secret, le monde de la construction peut se montrer parfois dur à convaincre. Lors des présentations et démonstrations réalisées la semaine dernière, des privés, mais aussi des collectivités avaient fait le déplacement du centre de tri de l’entreprise contheysanne. «Notre approche technique et scientifique a fait ses preuves. C’est clair que nous espérons aussi toucher les collectivités qui peuvent jouer en notre faveur pour réveiller les consciences.» Des consciences que l’ingénieur n’est pas le seul à vouloir toucher. Puisque la directrice d’Evéquoz part du même constat. «Dans ce projet, il y a un grain de folie au départ. Si ce grain peut germer dans l’esprit de nos clients, le pari serait gagné.»
Passer par les architectes
Pour ce faire, les concepteurs espèrent que les architectes de la région offriront ce choix à leurs clients. Mais pourquoi la clientèle serait-elle prête à dépenser entre 40 et 50% de plus pour des murs en terre? «Notre entreprise reste artisanale, donc un peu plus chère mais cela peut tout à fait être amené à évoluer. Reste que les valeurs véhiculées par notre produit vont au-delà du prix», note encore Rodrigo Fernandez. Du côté des professionnels de la construction, on se montre intrigué. Dany Jollien, maître professionnel maçon, ne connaît pas précisément ces nouvelles briques, mais se dit tout à fait ouvert à les découvrir. «Je vois tous les nouveaux matériaux naturels d’un bon œil. Ils permettent d’offrir un choix aux clients.»
A l’heure où de nombreux matériaux de construction proviennent de l’Union européenne et ses prix plus avantageux, le monde de la construction reviendrait-il à de la consommation plus locale? L’avenir le dira.
Une brique en terre, ça se fabrique comment?
Selon Rodrigo Fernandez, cofondateur de Terrabloc, un tiers des habitations de la planète sont fabriquées à base de terre. La technique genevoise n’est pas une invention, même si elle est unique en Suisse. De la terre locale est d’abord présélectionnée. Elle provient de déblais d’excavation terreux. Ce matériau naturel est ensuite mélangé avec une petite quantité d’eau et un maximum de 5% de ciment. «La terre est compressée, puis il faut trente jours de maturation avant de pouvoir maçonner les briques», souligne Rodrigo Fernandez. Le mix permet au matériau d’être le moins friable possible, même si la résistance est naturellement moindre qu’une brique en parpaing. «Les murs respirent et régulent naturellement l’humidité.».
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